Halal, chapitre 2
Le halal se développe, fortement et ce de manière parfaitement légale. Les autorités n’avaient simplement pas perçu l’immense succès de ces produits, en témoigne le rapport de novembre 2011 : « alors que la demande en viande halal ou casher devrait correspondre à environ 10% des abattages totaux, on estime que le volume de d'abattage rituel atteint 40% des abattages totaux pour les bovins et près de 60% pour les ovins. ce qui ne devait être qu'une dérogation s'est généralisée. » Des chiffres faux, démentis formellement par l’ancien ministre de l’agriculture, Bruno Le Maire qui s’appuie sur ses études réalisées… en 2009 et 2010. « C'est 14% du tonnage des viandes abattues en France qui sont abattues rituellement » a-t-il martelé, en précisant que l’étude réalisée par la Conseil général de l’alimentation n’avait porté que sur une quinzaine d'abattoirs « les plus problématiques de France », justifiant par la même un ton « très négatif ».
Pour autant, ce rapport soulève beaucoup de questions :
Une taxe sur la carcasse
Sur chaque abattage rituel est prélevé une somme directement versée aux organismes religieux. Ce qui peut sembler choquant s’explique tout de même par le fait que l’estampille halal ou casher pourrait s’apparenter à un label rouge ou Bio. Lorsqu’un label est déposé, les entreprises ou exploitations qui s’emploient à le conserver verse également une rétribution financière à l’organisme certificateur. On estime cette taxe entre 10 et 20 centimes pour chaque kilogramme de viande. Et si Barthelemy Aguerre feint de ne pas être au courant de tout ce qui se passe au niveau commercial dans chacune de ses structures, le directeur des abattoirs de Saint-Jean-Pied-de-Port en est lui parfaitement conscient et estime que cette taxe est le fruit d’un « laissez faire de la part des grands industriels qui ont considéré leurs profits avant un éventuel problème au niveau de la laïcité. » Pour maître Malherbe, avocat à Bayonne, « c'est extraordinaire qu'une taxe puisse être destinée à une communauté religieuse ! C’est parfaitement contraire au droit positif français, et pose la question sur le principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques. En l’occurrence, on autorise un privilège à deux communautés. »
Un étiquetage incomplet
Avant l’application du décret, l’étiquetage n’était pas obligatoire sur les produits contenant de la viande issus d’un abattage rituel. Mangerions-nous du halal sans le savoir ? Si jamais personne ne s’est émue de cette probabilité, l’étiquetage à tout de même été décidé puisque y l'immense majorité des Français demandent un étiquetage pour savoir comment a été abattue la viande. Car le rapport de novembre 2011 mettait en lumière le fait que, comme pour les petits ruminants, « des bovins sont abattus rituellement au prétexte que l'on ne sait pas si la viande va se trouver dans le circuit normal ou dans le circuit halal ». De surcroit, juifs et musulmans n’utilisent qu’une petite partie du fruit de leur abattage pour ne garedr que les morceaux dits « nobles. Le reste de la viande n’étant pas mis à la poubelle, il est remis dans le circuit classique sans étiquetage particulier. Mais cela peut dépendre aussi des abattoirs et des directeurs. Ainsi, estime qu’il en va de leur responsabilité. « Ce genre de client (qui ne voudrait garder que les morceaux nobles ndlr), je n’en prendrai pas. Le client devra prendre toute la carcasse, car pour moi il est hors de question que le reste de la viande soit réinjecté dans le marché classique. »
Un problème sanitaire ?
Enfin, le rapport de novembre, induit « l'hypothèse probable d'une souffrance animale plus importante que prévu. » Un rapport confirmé par de nombreux vétérinaires dont le docteur Lassalle et Michel Courat, qui a notamment travaillé en Angleterre pendant l'épisode de la "vache folle", qui estiment que l'abattage sans étourdissement augmente les risques de contamination. Si Barthelemy Aguerre estime que le risque n’est pas plus important dans le halal que dans la filière classique nous avons une personne préposée aux questions sanitaires, les choses sont tout de même très surveillées. Je ne suis pas inquiet. Nous sommes dans une région de production avec une forte histoire et une forte expérience. Pour le président d’Arcadie, si le travail est bien fait, il n’y aura aucun problème. Pourtant à en croire les spécialistes vétérinaires, les risques sanitaires sont tout de même réels. En effet, les conditions d’abattage traditionnel suivent des normes précises réglementées au niveau européen. Ainsi, dans le texte du CEE 8953/2004 dans son annexe, chap IV intitulé hygiène de l’abattage au paragraphe 7 il est stipulé dans l’alinéa a : « la trachée et l’œsophage doivent rester intacts lors de la saignée avec une dérogation pour l’abattage ritueL » en effet, l’abattage rituel tranche en un seul coup, l’œsophage et la trachée.
Le problème réside dans le fait que, en tranchant l’œsophage (qui relie la bouche à l’estomac) la remontée du contenu souillé de l’estomac est facilitée. Or, comme l’animal continue de respirer dans son agonie, il va aspirer ses matières gastriques riches en germe e toute sorte jusqu’aux alvéoles pulmonaires dont la paroi très mince permet une contamination rapide du sang. La circulation sanguine étant toujours en cours et même accélérée par le stress de l’agonie elle va permettre la dissémination de germes dans toute la carcasse.
Si ce risque sanitaire a été détaillé de nombreuses fois par des spécialistes, il est important de rappeler qu’aucune catastrophe n’a jamais éclatée et les consommateurs de viande halal ne semblent ne s’être jamais plaint des produits qu’ils avaient achetés. La fiabilité et le professionnalisme semblent donc de mise dans nos abattoirs. Mais pour Christophe Leprêtre, directeur de l’association Animavie, le problème est ailleurs : « le 7 juin dernier nous avions déjà manifesté à Anglet pour mettre en avant la souffrance animale. Malheureusement quand on parle de ce sujet là aux pouvoirs publics, nous ne sommes pas entendus. Pour l’homme les animaux ne sont que des produits. Ce qui les fait réagir, c’est la santé publique, c’est donc là-dessus qu’il faut appuyer. »
Le décret entré en vigueur en mars dernier prend en considération ces problème sanitaires et augmente très sérieusement l’encadrement de l’abattage rituel, le gouvernement précédent ayant avoué qu’il y eut des dérives. Pour autant la remise en cause possibilité de pratiquer cet abattage qui est une garantie de la liberté des cultes. L’accent a été mis sur de nouvelles obligations techniques mises en place (notamment la formation du sacrificateur et l'obligation d'instruments de contention) et l’obligation pour les établissements pratiquant l'abattage rituel de se déclarer en préfecture et de tenir un registre des abattages et des commandes.
Que l’abattage soit rituel ou classique, un problème que beaucoup jugent central, semble perdurer malgré une prise de conscience générale : dans tous les abattoirs, il est fait bien peu de cas des animaux pour des raisons de cadences.
Qu’importe la souffrance, pourvu qu’on ait la viande.
Le 06/07/2012 à 17h47
Le 06/07/2012 à 16h52
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